Mise en contexte

Tels autant de petits miroirs, les dents de la femme reflètent l’éclairage extravagant de l’endroit en un sourire particulièrement brillant. Mais ce n’est pas vraiment sa dentition qui est l’objet de l’assemblée qu’elle préside. Les mots qui se détache de sa bouche ont été pratiqués des centaines de fois - elle a beau être en avant, elle ne reste qu’un soldat, un joli pion pour faire avaler la pilule plus facilement. Sa voix est chaude et invitante, prononçant les syllabes avec précision, forçant le public à les croire sans réfléchir.



Ses auditeurs voient chacune de ses phrases se dérouler en lettres brillantes sur l’écran surdimensionné derrière elle, dans la langue de leur choix. L’expérience immersive est étendue à la grandeur de la ville, déjà polluée d’installations réactives. Chaque citoyen a reçu un appareil de réalité augmentée personnel avec son nouveau passeport. Le message est clair, il s’agit d’entrer dans une nouvelle ère, là où la technologie est au centre de la vie.

Territoire disputé depuis des siècles, réclamé par l’un et envahi par l’autre, toujours sous la botte d’une quelconque entité étrangère, fut-elle britannique ou chinoise, il semble tout naturel que Hong Kong fusse l’un des premiers à être racheté par une corporation. La ville-état change une fois de plus de système politique pour enfiler le manteau néo-moderne baptisé kynéocratie - le pouvoir au développement, au changement. Le terme est joli, tout comme les mots de la présentatrice. Des promesses d’espoir, de renouveau, que demander de plus en ce début de décennie frappé par les crises environnementales les plus sévères du 21e siècle?





L’expression high tech, low life a pris refuge au sein de la ville aussi vite que les mega grattes-ciels se sont développés. L’essor vertical est venu créer un nouvel ordre social, une ségrégation où plus haut veut toujours dire mieux - il y a quelque chose de bestial à encore vivre sur le sol ferme quand le ciel est maintenant à porté de main.

Sybilogy International (SI) est aujourd’hui en extrême compétition avec Alphatech (le propriétaire de Tokyo) pour racheter la ville-état de Vancouver. Possédant toutes les entreprises sur son territoire, SI reste toutefois l’une des corporations les moins restrictives envers la population - les libertés personnelles des individus sont presque toujours garanties, si ce n’est de l’intouchabilité de la Sybilogy.